
En colombiculture, et particulièrement en mode biologique, la gestion des ectoparasites (parasites externes des pigeons) est une pierre angulaire de la réussite de l’élevage. Contrairement à l’élevage conventionnel qui peut s’appuyer sur des insecticides chimiques « de choc », l’élevage bio repose sur l’équilibre sanitaire, la prévention et l’usage de produits naturels.
Bien connaître ces nuisibles est indispensable pour deux raisons :
- Le bien-être animal : Un pigeon parasité est un animal en souffrance, stressé et nerveux.
- La viabilité économique : Le parasitisme réduit la fertilité, la qualité du plumage et la croissance des pigeonneaux.
L’objectif en bio n’est pas toujours l’éradication totale (parfois impossible sans chimie lourde) mais le maintien de la pression parasitaire à un seuil inoffensif pour la colonie.
Les dommages généraux causés à l’élevage
La présence massive de parasites entraîne une cascade de conséquences néfastes pour le colombier :
- Anémie : Les parasites hématophages (qui sucent le sang), comme le pou rouge ou l’argas, prélèvent des quantités importantes de sang. Chez les pigeonneaux au nid, cela peut entraîner une croissance ralentie, une pâleur des muqueuses et, dans les cas graves, la mort par exsanguination.
- Épuisement et Stress : Les piqûres et les démangeaisons constantes empêchent les pigeons de se reposer correctement. Ce manque de sommeil et cette nervosité permanente affaiblissent le système immunitaire.
- Problèmes de couvée : Des parents harcelés par les parasites (notamment la nuit avec le pou rouge) peuvent abandonner le nid. Les œufs refroidissent ou les pigeonneaux ne sont plus nourris correctement.
- Détérioration du plumage : Les poux mallophages se nourrissent de kératine (plumes). Ils perforent les rémiges et les rectrices, donnant au plumage un aspect « mitée » et fragilisé, ce qui handicape le vol et la régulation thermique.
- Transmission des maladies : Ces parasites sont souvent des vecteurs (taxis) pour des pathologies graves. Ils peuvent transmettre la variole, la paratyphose (salmonellose) ou des hémoparasites.
Les Parasites : Description, Prévention et Traitements Bio
Nous distinguons ici les parasites qui vivent sur le pigeon (poux du plumage) de ceux qui vivent dans le pigeonnier et attaquent le pigeon (poux rouges, argas).
Le Pou Rouge (Dermanyssus gallinae)
C’est le fléau numéro 1 des pigeonniers.
- Description : Acarien hématophage. Gris à jeun, il devient rouge vif après avoir bu le sang. Il ne vit pas sur le pigeon mais dans les fissures, les boiseries et sous les plateaux. Il attaque la nuit.
- Dépistage et Surveillance (Le test du carton dans un pigeonnier) :
- Ces parasites étant cachés le jour, il est difficile d’évaluer l’infestation à l’œil nu.
- La méthode : Roulez une petite bande de carton ondulé (5 à 10 cm) et fixez-la sous un perchoir ou dans un coin sombre près des nids.
- Les poux rouges, cherchant un refuge obscur après leur repas nocturne, iront se cacher dans les alvéoles du carton.
- Déroulez le carton après 24 à 48 heures : s’il contient des poux, le traitement doit être immédiat.
- Prévention : Conception du pigeonnier limitant les cachettes (murs lisses), nettoyage fréquent des plateaux.
Traitement Bio :
– Terre de Diatomée (non calcinée) : A saupoudrer dans les nids et les fissures. Elle tue le pou par dessiccation mécanique.
– Huile de Neem ou Huiles essentielles (Girofle, Lavande) : En pulvérisation répulsive dans l’environnement (attention aux yeux des oiseaux).
– Lutte biologique : Introduction de prédateurs naturels (androletis) qui mangent les poux rouges (compatible avec le bio).
– Chaleur : Passer le chalumeau thermique dans les fissures lors du grand nettoyage annuel.
Le Pou Gris (Philopterus communis / Campanulotes compar)
- Description : Souvent appelé « pou de tête », il est assez gros et se tient souvent au niveau du cou et de la tête. Il pond ses lentes (œufs) à la base des plumes.
- Prévention : Bain hebdomadaire obligatoire.
Traitement Bio :
– Ajout de vinaigre de cidre et de sel de bain dans l’eau de baignade.
– Poudrage direct de l’oiseau avec une poudre insecticide végétale (pyrèthre naturel) en cas d’infestation forte.
Le Pou Jaune (Goniocotes gallinae)
- Description : Plus petit, on le trouve souvent dans le duvet, à la base des plumes, sur le croupion ou le ventre. Il se nourrit de débris de peau et de plumes.
- Prévention & Traitement : Identique au pou gris. Une bonne hygiène et des bains réguliers suffisent souvent à le contrôler.
Le Pou Mallophage ou Lipeure (Columbicola columbae)
- Description : Le « pou du pigeon » typique. Il est très allongé, fin (comme un bâtonnet) et se loge entre les barbes des grandes plumes des ailes et de la queue. Il mange la kératine, créant des lignes transparentes ou des trous dans les plumes.
- Prévention : Éviter la surpopulation.
Traitement Bio :
– Les bains au vinaigre ou sels de bain perturbent leur cycle.
– En cas d’attaque sévère : application d’une goutte d’huile végétale (amande douce) ou de produit à base de Margosa (Neem) à la base des plumes (agit comme répulsif et étouffant).
L’Argas (Argas reflexus)
- Description : Surnommé la « tique du pigeon ». C’est un acarien mou, plat, grisâtre, qui ressemble à une lentille. Très résistant, il peut vivre plusieurs années sans manger. Il vit caché dans les murs et attaque la nuit pour un repas de sang rapide mais copieux.
- Danger : Sa morsure peut provoquer des chocs anaphylactiques chez l’homme.
Traitement Bio :
– Très difficile à éradiquer. Le nettoyage mécanique et le bouchage des fissures (chaux, ciment) sont impératifs.
– Traitement thermique (chalumeau, vapeur sèche haute température) dans les fissures.
– Badigeon de chaux vive sur les murs (méthode ancienne et efficace).
La Puce du pigeon (Ceratophyllus gallinae / columbae)
- Description : Insecte sauteur, noir ou brun foncé. Elle vit dans les nids sales et suce le sang des pigeonneaux.
- Prévention : Renouvellement fréquent des matériaux de nidification (paille, foin).
Traitement Bio :
– Mettre des tiges de tabac ou des aiguilles de pin dans les nids (répulsifs naturels puissants).
– Saupoudrage de terre de diatomée au fond des plateaux de nidification.
Les Tiques
- Description : Acariens de grande taille (famille des Ixodidae) qui se fixent sur la peau (souvent autour des yeux ou du bec) pour se gorger de sang.
Traitement Bio :
– Retrait manuel avec une pince à tique (en tournant, sans arracher).
– Désinfection locale avec de la teinture d’iode ou de l’argent colloïdal.
Les différentes gales (Acariose)
Les gales sont causées par des acariens microscopiques qui creusent des galeries dans la peau.
La Gale des pattes (Knemidocoptes mutans)
- Symptômes : Soulèvement des écailles des pattes, formation de croûtes grisâtres/blanchâtres (« pattes calcaires »).
Traitement Bio :
– Le principe est d’étouffer l’acarien. Badigeonner les pattes avec de l’Huile de Cade vraie (antiseptique et cicatrisante) ou un mélange Vaseline/Soufre fleur.
– Répéter tous les 2-3 jours jusqu’à disparition des croûtes.
La Gale du corps (Gale déplumante – Knemidocoptes laevis)
- Symptômes : Les plumes cassent à la base, la peau est irritée, souvent au niveau du cou et du jabot. Le pigeon s’arrache les plumes à cause des démangeaisons.
Traitement Bio :
– Isolement du sujet.
– Application d’huile de Cade diluée dans une huile neutre sur les zones atteintes.
– Bains réguliers avec ajouts d’huiles essentielles répulsives (type Tea Tree, mais avec dosage vétérinaire strict).
Mycoses (Champignons)
Bien que ce ne soit pas un « insecte », ce parasite externe est souvent confondu avec des problèmes de peau.
La Teigne (Favus)
- Description : Champignon qui s’attaque à la peau, souvent sur la tête, les caroncules et le cou. Elle forme des croûtes blanchâtres et une perte de plumes.
Traitement Bio :
– Application locale de Teinture d’iode ou de bétadine (l’iode est un antifongique puissant).
– Exposition au soleil (les UV aident à tuer le champignon).
– Nettoyage strict du matériel pour éviter la contagion.
La Saisonnalité des Attaques
Comprendre les cycles saisonniers est vital pour anticiper les traitements, car l’activité parasitaire est intimement liée à la température et à l’humidité.
L’effet dormance : Beaucoup de parasites ralentissent considérablement leur activité en hiver. L’éleveur peut croire à tort que son élevage est sain.
Exemples
- La Gale du corps (Gale déplumante) : C’est l’exemple typique. Elle apparaît de manière virulente au printemps et en été, favorisée par la chaleur. En hiver, les symptômes semblent s’estomper ou disparaître totalement, donnant une fausse impression de guérison. Cependant, l’acarien est toujours présent en latence et réapparaîtra avec force aux premiers beaux jours si aucun traitement de fond n’a été effectué.
- Les Poux Rouges : Leur cycle de reproduction est fulgurant dès que la température dépasse 20°C (un cycle complet en 7 jours). Une infestation invisible en hiver peut devenir une invasion incontrôlable en quelques semaines d’été.
- Hiver : C’est la période idéale pour les nettoyages profonds (chalumeau) afin de détruire les formes hivernantes avant le réveil printanier.
Conclusion
En colombiculture biologique, la lutte contre les parasites externes est une guerre de position qui se gagne sur le terrain de l’hygiène et de la prévention.
Il est illusoire de penser qu’un pigeonnier peut être totalement stérile. L’objectif de l’éleveur est de maintenir la pression parasitaire à un niveau si bas qu’elle n’affecte pas la santé des oiseaux.
Pour réussir, il faut retenir ce triptyque :
- Environnement : Un pigeonnier sec, aéré, aux murs lisses, nettoyé régulièrement (Terre de diatomée, chalumeau).
- Supports de nids : Utilisation de répulsifs naturels (tiges de tabac, fougère, aiguilles de pin).
- Vigilance : Une observation quotidienne des oiseaux (grattages, agitation) et l’utilisation de pièges de dépistage (carton) pour intervenir au tout début de l’infestation.






