La chèvre, un animal robuste mais sensible :

La chèvre est un animal rustique, capable de valoriser des terrains difficiles, mais elle possède un talon d’Achille : elle est très sensible au stress, à l’humidité et aux changements brutaux.
La majorité des maladies (parasitisme, problèmes respiratoires, troubles digestifs) ne sont pas des fatalités, mais des conséquences. Elles signalent une faille dans le système d’élevage : une litière mal gérée, une alimentation inadaptée ou une ventilation défaillante. La santé de la chèvre est le miroir de l’état de son environnement.

Voici les piliers de la prévention :

En bio, et encore plus en permaculture, on ne cherche pas à « réparer » une chèvre malade à coup de médicaments, on conçoit un système qui l’empêche de tomber malade.

Les conditions d’élevage : Le Design immunitaire – Concevoir un élevage qui protège vos chèvres.

  • La chèvrerie (le milieu d’élevage)
    – Qualité de la construction : La règle d’or est : « Pas de courants d’air, mais de l’air ». La chèvre craint l’humidité par-dessus tout. Le bâtiment doit être sec, orienté dos aux vents dominants, mais avec une ventilation haute efficace pour évacuer l’ammoniac des urines (qui brûle les poumons et favorise les pneumonies).
    – Litière : En permaculture, la « litière accumulée » est intéressante. On rajoute de la paille propre sur la sale tous les jours. Cela crée un matelas chaud (fermentation) confortable l’hiver. Condition absolue : la surface doit toujours rester sèche et propre.
    – Densité : Le surpeuplement crée un stress social (compétition) et concentre les pathogènes. Comptez au minimum 1,5 à 2 m² par chèvre adulte. Pour deux chèvres, ne soyez pas avare d’espace.
  • Les prés et pâturages
    Le pâturage n’est pas qu’une cantine, c’est une zone de cycle parasitaire.
    Évitez les zones marécageuses (douve du foie).
    Pratiquez le pâturage tournant dynamique : (Le « Vide Sanitaire » Naturel : Gérer les parasites par la rotation.) changez de parcelle avant que l’herbe ne soit trop rase (moins de 5-7 cm), car c’est près du sol que se trouvent les larves de parasites.

L’alimentation – Ni carence, Ni excès : L’équilibre alimentaire comme premier remède.

Équilibre (Énergie, protéines, fibres, minéraux, vitamines) : La panse (rumen) est une cuve de fermentation chimique. Tout déséquilibre acidifie ce milieu et tue la flore utile (acidose), ouvrant la porte aux mauvaises bactéries.

La Pharmacie est dans le Pré : Prévention par la flore et les fourrages.

La fibre (foin/herbe) est le tampon de sécurité. Elle doit être la base majoritaire pour assurer la rumination. Les céréales (énergie) et les légumineuses (protéines) sont des compléments qui ne doivent jamais dépasser la capacité d’absorption de la panse.
Une carence en minéraux (sélénium, zinc) affaiblit le système immunitaire : la pierre à sel est le « bouclier » préventif de base.
Saisonnalité (Les transitions) :
C’est la cause n° 1 de mortalité subite (entérotoxémie). La flore digestive de la chèvre met environ 2 semaines à s’adapter à un nouvel aliment.
Règle absolue : On ne passe jamais brutalement du foin d’hiver à l’herbe riche de printemps, ou d’une ration sans grain à une ration avec grain. Toute introduction se fait par paliers sur 10 à 15 jours.

La qualité de l’eau

L’eau stagnante ou souillée par des déjections est un bouillon de culture (coccidiose, bactéries).
Les abreuvoirs doivent être surélevés (pour qu’elles ne fassent pas leurs besoins dedans) et brossés régulièrement (pas juste rincés).

L’hygiène – Une Chèvre ne tombe pas malade par hasard.

  • Nettoyage courant
    Retirer quotidiennement les refus (foin non mangé) des râteliers pour éviter qu’ils ne moisissent.
    Curage régulier des zones de couchage si la technique de litière accumulée n’est pas utilisée.
    Lutte contre les mouches (vecteurs de maladies) via des pièges ou prédateurs naturels (les poules peuvent aider si elles grattent la litière sortie, mais attention à la cohabitation sanitaire stricte).
  • Désinfection
    En bio, on limite la chimie lourde.
    Un « vide sanitaire » (laisser le bâtiment vide et propre 15 jours par an) est l’arme la plus efficace.
    Le chaulage des murs (lait de chaux) est une méthode ancienne, naturelle et très efficace pour assainir l’ambiance et tuer les larves/bactéries.

Choix de la race

Race adaptée au climat
Ne mettez pas une chèvre anglo-nubienne (originaire de climats chauds) dans une région froide et pluvieuse sans précautions. Une race locale rustique sera toujours plus résistante aux maladies de sa région.
Race adaptée à la qualité des pâtures
Garrigues/Zones sèches et pauvres : Chèvre du Rove, Commune provençale. Elles valorisent le ligneux (broussailles) et marchent beaucoup.
Prairies riches/Zones humides : Alpine, Saanen, Poitevine. Elles ont besoin d’herbe de qualité. Mettre une Alpine dans la garrigue sans apport massif de nourriture l’épuisera.

Apport de nouvelles chèvres (Vigilance)

L’introduction d’une nouvelle chèvre est le moment le plus risqué (apport de poux, de gale, de piétin, d’abcès caséeux).
Quarantaine obligatoire : La nouvelle venue doit rester isolée 3 semaines minimum avant de rejoindre le troupeau. C’est le temps nécessaire pour voir apparaître d’éventuels symptômes et la vermifuger/traiter avant contact.

Chevreau, chevrette, la prévention au plus jeune âge :

Qualité du premier lait (Colostrum)
Le chevreau naît sans défenses immunitaires.
Il doit impérativement boire le colostrum (lait des premières heures, jaune et épais) dans les 6 à 12 heures suivant la naissance. C’est son seul « vaccin » naturel pour les premiers mois. Sans cela, ses chances de survie sont faibles.

Sevrage

Le passage du lait à l’alimentation solide est un stress immense.
Il doit être progressif (sur plusieurs semaines). Le chevreau doit avoir accès à du foin de très bonne qualité et un peu de concentré « démarrage » dès ses premiers jours pour développer sa panse avant même d’être sevré.

Gestion des symptômes : Savoir observer ses chèvres pour ne pas avoir à guérir.

L’éleveur amateur doit développer son sens de l’observation. Avant d’appeler le vétérinaire, il faut savoir repérer l’anormal :

  • Observation comportementale : Une chèvre qui s’isole, qui ne se lève pas à l’arrivée de la nourriture, ou qui a le poil piqué (hérissé et terne) est une chèvre malade.
  • Les constantes : Savoir prendre la température rectale (la normale est entre 38,5 °C et 39,5 °C). Une fièvre ou une hypothermie sont des urgences.
  • L’examen rapide : Couleur des muqueuses (l’intérieur de la paupière doit être rose, s’il est blanc porcelaine = anémie/parasites), propreté de l’arrière-train (diarrhée), état des sabots (boiterie).

En cas de symptôme douteux, l’isolement immédiat à l’infirmerie (box calme et propre) est la première mesure conservatoire pour protéger le reste du troupeau.

L’Humilité face au Doute : L’Alliance indispensable avec le Vétérinaire

Malgré une observation fine et un design permacole soigné, l’éleveur amateur atteint inévitablement ses limites. Des symptômes apparemment banaux peuvent cacher des pathologies complexes ou contagieuses impossibles à distinguer à l’œil nu. Face à l’incertitude, l’improvisation n’a pas sa place : seul le docteur vétérinaire possède l’expertise clinique et l’autorité légale pour poser un diagnostic fiable. Faire appel à lui dès les premiers doutes n’est pas un aveu d’échec, c’est la garantie ultime du respect du bien-être de vos chèvres.

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