Le mildiou n’est pas une seule maladie, mais un terme générique désignant plusieurs maladies causées par des micro-organismes spécifiques. En permaculture, l’approche du mildiou est avant tout préventive. L’objectif n’est pas d’éradiquer l’agent pathogène (ce qui est quasi impossible), mais de créer un écosystème de jardin résilient où la maladie ne peut pas prospérer et où les plantes sont suffisamment fortes pour y résister. L’observation et l’action précoce sont les piliers de cette gestion.
Les « cryptogames » responsables
Les agents responsables du mildiou ne sont en réalité pas de vrais champignons (Fungi), mais des Oomycètes. Ce sont des micro-organismes filamenteux qui ont besoin d’eau liquide pour se déplacer et infecter les plantes.
Les plus tristement célèbres au jardin
- Phytophthora infestans : Le plus connu, responsable du mildiou de la tomate et de la pomme de terre.
- Plasmopara viticola : L’agent du mildiou de la vigne.
- Pseudoperonospora cubensis : Responsable du mildiou des cucurbitacées (concombre, melon, courge).
- Bremia lactucae : L’agent du mildiou de la laitue.
- Peronospora farinosa : Attaque les épinards et les betteraves.
Les périodes de l’année les plus favorables
Le mildiou est une maladie de « temps humide ». Sa formule magique est simple : humidité + températures douces.
Il prospère lorsque la température se situe entre 10°C et 25°C et que le feuillage reste mouillé pendant plusieurs heures (pluie, rosée matinale, brouillard).
– Printemps : Les premières pluies douces et le retour de la chaleur sont une période critique.
– Été orageux : Les périodes de chaleur suivies d’orages violents créent un « effet cocotte-minute » idéal pour sa propagation.
– Automne : Le retour des pluies et de l’humidité nocturne, alors que les températures sont encore clémentes, est la seconde grande période de risque.
Les plantes les plus sensibles et les parties atteintes
Plantes les plus sensibles :
- Solanacées : Tomate, Pomme de terre.
- Vitacées : Vigne.
- Cucurbitacées : Concombre, Melon (les courges sont souvent plus résistantes).
- Astéracées : Laitue.
- Chénopodiacées : Épinard, Betterave.
Parties de la plante les plus atteintes :
- Les feuilles : C’est la porte d’entrée principale. La maladie bloque la photosynthèse et épuise la plante.
- Les tiges : Des lésions brunes peuvent apparaître, notamment sur les tomates, pouvant « étrangler » la tige et la casser.
- Les fruits/tubercules : Les tomates développent des taches marbrées et dures (impropres à la consommation), et les pommes de terre pourrissent (taches brunes sous la peau).
Les symptômes
Les symptômes sont très reconnaissables, mais il faut regarder aux bons endroits :
– Sur la face supérieure des feuilles : Apparition de taches jaunâtres, comme des « taches d’huile ». Ces taches deviennent ensuite brunes et nécrotiques (sèches).
– Sur la face inférieure des feuilles : C’est le signe de diagnostic clé. Sous les taches d’huile (surtout par temps humide, le matin), un feutrage blanc ou grisâtre apparaît. Ce sont les sporanges, les « fruits » du mildiou qui vont libérer de nouvelles spores.
– Sur les tiges et fruits : Lésions brunes à noirâtres.
L’urgence, les bons réflexes du jardinier
L’urgence est extrêmement élevée. Le mildiou peut détruire une culture entière en moins d’une semaine si les conditions sont favorables.
Les bons réflexes immédiats :
- Tout d’abord au moindre doute (conditions météo à risque), inspectez vos plantes tous les jours, surtout sous les feuilles.
- Dès la première feuille atteinte, coupez-la immédiatement avec un sécateur propre. Ne mettez jamais les parties atteintes au compost. Les spores peuvent y survivre. L’idéal est de les brûler (si autorisé) ou de les évacuer à la déchetterie en sac fermé.
- Ensuite rapidement en cas d’arrosage par aspersion n’arrosez plus jamais le feuillage. Arrosez uniquement au pied.
- Enfin et tout aussi rapidement, appliquez immédiatement un traitement préventif (voir point suivant) sur les plantes saines environnantes.
Les traitements biologiques ou naturels
En bio, et à plus forte raison en permaculture, on privilégie les produits de contact qui empêchent la germination des spores du mildiou.
La Bouillie Bordelaise (Cuivre) :
C’est le traitement historique. Le cuivre est un fongicide de contact efficace : il empêche la spore de germer sur la feuille. Ce n’est pas curatif (ça ne guérit pas ce qui est déjà malade). C’est un métal lourd qui s’accumule dans le sol et peut, à haute dose, être toxique pour les vers de terre et les micro-organismes.
Usage en permaculture : À réserver aux situations d’urgence, à très faible dose, et toujours en dernier recours.
Le Bicarbonate de Soude (ou de potassium) :
Il modifie le pH à la surface de la feuille, la rendant inhospitalière pour le mildiou.
Recette : 1 cuillère à café de bicarbonate + 1 cuillère à café de savon noir (comme agent mouillant) dans 1 litre d’eau.
Usage : À pulvériser finement sur et sous les feuilles, de préférence le matin. Il doit être réappliqué après chaque pluie.
Le Petit Lait (Lactosérum) :
Une solution remarquable, douce et efficace. Le lait (ou mieux, le petit lait, car moins gras) agit de deux façons :
Ses acides gras (surtout du lait entier) ont un effet fongicide.
Ses protéines (notamment la lactoferrine) agissent comme un biostimulant, renforçant les défenses immunitaires de la plante.
Usage : Généralement dilué à 10% (1 volume de lait pour 9 volumes d’eau), en pulvérisation.
Les « Purins » (Décoctions ou Macérations) :
Décoction de Prêle : Très riche en silice, elle agit comme un « vernis » qui renforce la paroi cellulaire des feuilles, les rendant plus difficiles à pénétrer. C’est un excellent préventif. C’est mon chouchou au jardin !!!
Employez un « mouillant ». Il fait la différence entre un traitement qui perle et un traitement qui couvre.

Meilleure couverture (surtout sous les feuilles !) et meilleure résistance au lessivage par la rosée ou une petite pluie.
Avec la bouillie bordelaise, il permet de diminuer les doses.
Le savon noir (1 cuillère à café par litre) est le plus courant et le plus efficace. L’argile (kaolinite) peut aussi jouer ce rôle d’adhérent.
La prévention en permaculture (focus sur la propagation)
C’est le cœur de la stratégie permacole. Pour se propager, le mildiou a besoin de 4 choses : une plante sensible, de l’eau sur les feuilles, des spores, et un transport (vent, éclaboussures). La prévention vise à perturber ces 4 facteurs.
L’eau sur les feuilles
La solution permacole : Gérer l’eau et le sol.
Paillage (Mulching) : C’est la règle d’or. Un paillage épais (paille, foin, BRF) empêche les spores présentes dans le sol de remonter sur les feuilles basses lors des éclaboussures de pluie ou d’arrosage.
Arrosage au pied : Ne jamais arroser le feuillage. Utiliser un goutte-à-goutte, un tuyau poreux ou un arrosoir au pied des plantes.
Arrosage matinal : Si le feuillage est quand même mouillé, arroser le matin permet au soleil de le sécher rapidement, limitant la période d’humidité.
L’air stagnant et humide
La solution permacole : Gérer l’air (le « design »).
Espacement : Ne pas planter trop serré. L’air doit pouvoir circuler entre les plantes pour sécher le feuillage. C’est le contraire de la « jungle » impénétrable.
Taille (Tomates) : Supprimer les feuilles basses (celles qui touchent le sol) et éventuellement les gourmands (selon votre école) pour aérer le pied.
Orientation : Planter les rangs dans le sens du vent dominant pour favoriser le séchage.
Une plante faible ou sensible
La solution permacole : Renforcer la plante et le sol.
Santé du sol : Un sol vivant, riche en humus et en micro-organismes (mycorhizes), nourrit la plante de manière équilibrée et la rend plus forte (concept de la « trophobiose »).
Éviter l’excès d’azote : Les engrais « coup de fouet » (riches en azote) créent un feuillage luxuriant, mais gorgé d’eau et aux tissus tendres : une porte d’entrée rêvée pour le mildiou.
Choix des variétés : Privilégier les variétés anciennes, locales (adaptées à votre climat) ou les variétés modernes sélectionnées pour leur résistance (marquées « résistantes » ou « tolérantes » au mildiou).
La monoculture
La solution permacole : La biodiversité et la rotation.
Rotation des cultures : Ne jamais planter des tomates ou des pommes de terre au même endroit deux années de suite. Les spores hivernent dans le sol. Une rotation sur 3 ou 4 ans est indispensable pour briser le cycle.
Associations (Compagnonnage) même si cela tient plus de l’empirisme, mais c’est à tester : Éviter les grands blocs de la même plante. Mélangez vos tomates avec du basilic, des œillets d’Inde, des laitues. Cela n’empêche pas le mildiou, mais ralentit sa propagation.







