C’est sans doute l’image d’Épinal la plus répandue dans le monde du jardinage naturel : le permaculteur serait obligatoirement ce jardinier qui s’échine à monter des buttes ou à empiler des couches de carton et de matière organique pour créer des lasagnes.
Pourtant, résumer la permaculture à ces deux techniques est une erreur fondamentale. Non, faire des buttes ou des lasagnes ne délivre pas automatiquement un « label permaculture » au jardinier. Pire, cela peut parfois aller à l’encontre des principes d’économie d’énergie si le contexte ne s’y prête pas.

Voici pourquoi la permaculture est bien plus qu’une méthode de culture surélevée.

La permaculture est un design, pas une recette toute faite
La permaculture repose avant tout sur l’observation. Le premier principe est d’observer et d’interagir. Construire une butte ou une lasagne de façon inconsidérée, simplement parce que « c’est la mode » ou parce que « c’est joli », est un non-sens agronomique.

Avant de planter le premier coup de pelle, un permaculteur doit étudier son environnement :

  • Le terrain : Est-il en pente ? Est-il plat ?
  • L’exposition : D’où viennent les vents dominants ? Où sont les zones d’ombre ?
  • Le climat : Est-il aride, tempéré, humide ?
  • Le sol : Quelle est sa texture et sa structure ?

Appliquer une solution technique (la butte) sans avoir posé le diagnostic (l’analyse du sol) est l’inverse de la démarche permacole.

 Pourquoi réparer ce qui n’est pas cassé ?

L’un des principes de la permaculture est l’efficacité énergétique : obtenir le plus grand résultat pour le moindre effort.
Dès lors, pourquoi dépenser une énergie folle à monter des lasagnes ou creuser des buttes si l’on dispose déjà d’une bonne terre arable, riche et humifère ?

Vous avez un bon sol ? Arrêtez de le cacher sous des buttes !

Si votre sol est naturellement fertile, profond et bien drainé, le modifier structurellement est une perte de temps et d’énergie. Dans ce cas, les matériaux souvent utilisés pour les lasagnes (fumier, compost, feuilles mortes, tontes) seront beaucoup plus utiles en paillage de surface.
En imitant le sol forestier (litière en surface), vous nourrissez la vie du sol sans le perturber inutilement. C’est souvent bien plus efficace qu’une construction artificielle.

Mais alors, quand les buttes et lasagnes sont-elles utiles ?

Si elles ne sont pas obligatoires, ces techniques restent des outils formidables dans des contextes précis. C’est là que le design intervient pour apporter une solution à un problème spécifique.

Elles sont pertinentes notamment sur un sol très pauvre ou inexistant

Si vous jardinez sur un sol remblayé, bétonné, ou extrêmement caillouteux où rien ne pousse, la lasagne permet de créer un sol fertile ex nihilo (« sol hors-sol »). C’est une solution idéale pour démarrer rapidement une culture sans attendre des années que la roche mère se dégrade.

Sur un sol très lourd et humide (hydromorphe)

Dans une terre argileuse qui se gorge d’eau en hiver, les racines des plantes risquent l’asphyxie (pourriture). La butte permet ici de surélever la zone de culture. Par gravité, l’eau descend, et les racines restent au sec et à l’air. C’est une technique de drainage par surélévation.

Enfin pour l’ergonomie

Pour les personnes à mobilité réduite ou âgées, surélever la zone de culture (bacs ou buttes hautes) est un choix de design social et ergonomique, permettant de jardiner sans se baisser. (Mais la bute doit être hautes)

Conclusion

La permaculture, c’est l’art de concevoir des écosystèmes humains durables. Si votre écosystème (votre jardin) a besoin d’une butte pour gérer l’eau ou créer du sol, alors faites une butte. Si votre sol est déjà magnifique, contentez-vous de le pailler et de planter.
Le jardinier permacole n’est pas celui qui fait des buttes, c’est celui qui sait pourquoi il en fait… ou pourquoi il n’en fait pas.

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