
Je vous propose une approche préventive et naturelle de la santé des dindes, dindons, et dindonneaux destinée bien sûr et uniquement aux éleveurs amateurs soucieux du bien-être de vos volailles.
Le Dindon, un Colosse aux Pieds d’Argile
Le dindon est un animal rustique une fois adulte, mais extrêmement fragile durant sa jeunesse. Contrairement aux poules, les dindons sont très sensibles aux parasites et à l’humidité. La réussite de l’élevage repose à 90% sur la prévention et l’observation. Un dindon qui semble malade est souvent déjà gravement atteint ; la réactivité est donc la clé.
Le Bouclier Sanitaire : Les gestes barrières de l’éleveur.
La biosécurité n’est pas réservée aux industriels. C’est la première ligne de défense.
L’Achat : Le Premier Tri
L’origine : Privilégiez l’achat chez des éleveurs locaux réputés ou des couvoirs certifiés. Évitez les marchés aux oiseaux où les animaux sont stressés et brassés avec d’autres élevages.
L’inspection : N’achetez jamais un animal prostré, aux yeux larmoyants, qui boite ou qui a le cloaque souillé.
La Quarantaine : La Règle d’Or
C’est la règle d’or. Tout nouvel arrivant doit être isolé 3 à 4 semaines avant de rejoindre le groupe.
Cela permet d’observer l’apparition de maladies en incubation.
Enfin cela permet de traiter (déparasitage interne et externe) l’animal avant l’introduction.
Cabane et Parcours
- La Cabane : Elle doit être parfaitement étanche aux courants d’air mais très bien ventilée. Voir un exemple de cabane.
- Le Parcours : Le dindon est un grand explorateur. Il a besoin d’espace.
- Rotation : Idéalement, pratiquez la rotation des parcours pour « casser » le cycle des parasites (vers, coccidies) présents dans le sol.
L’Ennemi Silencieux : L’Humidité
L’ennemi numéro 1 du dindon.
Le dindon craint terriblement l’humidité froide.
La litière doit toujours être sèche et propre. Une litière humide dégage de l’ammoniaque (irrite les voies respiratoires) et favorise les bactéries.
Saupoudrez de la terre de diatomée ou de la cendre de bois tamisée sous la paille pour assécher.
L’Art de l’Élevage amateur : Forger une Immunité en Béton
Un animal bien nourri et sans stress dispose d’un système immunitaire capable de se défendre seul.
Alimentation équilibrée
Le dindon a des besoins en protéines beaucoup plus élevés que la poule (surtout le dindonneau : 26-28% de protéines au démarrage).
Une carence en protéines entraîne un retard de croissance et du picage.
Complétez avec de la verdure hachée (orties, pissenlits) riches en fer et minéraux.
Le Cocktail Gagnant : Oligo-éléments et Vitamines
Des cures régulières de vitamines (dans l’eau de boisson) sont recommandées lors des changements de saison ou des phases de croissance rapide.
Le Zinc et le Manganèse sont cruciaux pour éviter les problèmes de pattes (déformations).
L’Eau
Elle doit être propre et fraîche, changée tous les jours.
L’eau croupie est un bouillon de culture pour les protozoaires (Histomonose).
Surélevez les abreuvoirs pour éviter que les dindons ne grattent de la litière sale dedans.
Gestion du Stress :
Le dindon est un animal émotif et cardiaque.
Évitez les bruits soudains, les chiens qui courent autour de l’enclos ou les manipulations brutales.
Un stress intense fait chuter les défenses immunitaires instantanément, ouvrant la porte aux maladies opportunistes.
Les principales maladies : Connaître l’Ennemi
On classe généralement les pathogènes en quatre familles.
Virales : (Ex: Variole aviaire, Maladie de Newcastle). Difficiles à traiter, la vaccination est souvent la seule prévention.
Bactériennes : (Ex: Mycoplasmose, Pasteurellose). Se traitent aux antibiotiques (sur ordonnance) ou huiles essentielles en début d’infection.
Fongiques : (Ex: Aspergillose). Champignons souvent liés à une litière moisie.
Protozoaires et Parasites : (Ex: Histomonose, Coccidiose, Vers). Les plus fréquents en élevage amateur.
Attention aux faux diagnostics !
Beaucoup de maladies présentent les mêmes signes génériques : l’animal fait « la boule », plumes ébouriffées, ailes pendantes, ne mange plus. Ne concluez pas trop vite. Observez les fientes (couleur, texture) et la respiration.
Voici les affections les plus courantes chez le dindon.
L’Histomonose : Le Cauchemar de la Tête Noire
C’est le fléau du dindon. Causée par un protozoaire transmis par un petit ver (hétérakis) souvent présent chez les poules.
Symptômes : Abattement soudain, ailes pendantes, fientes jaune soufre caractéristiques. Parfois (pas toujours), la peau de la tête devient sombre (cyanose).
Prévention :
Ne jamais élever dindons et poules ensemble, ni sur un terrain ayant accueilli des poules récemment. La poule est porteuse saine, le dindon en meurt.
Vermifuger régulièrement contre les hétérakis.
Traitement Bio/Naturel :
- Préventif : Huile essentielle d’Origan et Cannelle dans l’eau.
- Curatif : Très difficile. L’isolement immédiat est requis.
La Coccidiose
Parasite intestinal qui détruit la paroi des intestins.
Symptômes : Diarrhées (parfois sanguinolentes), amaigrissement, plumage terne.
Prévention :
Litière sèche impérative.
Traitement Bio
- Vinaigre de cidre (acidifie l’intestin) en prévention (1 c.à.s par litre d’eau, 2 jours par semaine).
- Lait caillé ou petit-lait (change la flore intestinale).
La Syngamose (Le ver rouge ou « baillement »)
Un ver qui se loge dans la trachée.
Symptômes : Le dindon tend le cou et ouvre le bec comme s’il cherchait de l’air (bâillements répétés), secoue la tête, tousse.
Prévention :
Rotation des parcours, éviter les terrains humides.
Traitement Bio :
- Ail pilé dans l’alimentation (vermifuge léger).
- Huile essentielle de Thym (antiseptique et antiparasitaire) par diffusion ou dans l’alimentation (diluée).
Le Coryza / Mycoplasmose
Infections respiratoires.
Symptômes : Éternuements, yeux gonflés ou collés, râles respiratoires, écoulement nasal.
Prévention :
Pas de courants d’air, bonne ventilation (pas d’odeur d’ammoniaque).
Traitement Bio :
- Infusion de Thym et Romarin dans l’eau de boisson.
- Inhalations d’Eucalyptus (attention au dosage).
- Nettoyage des yeux au sérum physiologique.
Maladie particulière du dindonneau : La « Crise du Rouge »

Présentation et Symptômes
Vers l’âge de 2 à 3 mois, la peau de la tête et du cou du dindonneau change d’aspect : les caroncules apparaissent et la peau rougit. C’est le passage à l’état « adulte ».
Le jeune est fatigué, plus fragile, mange moins.
C’est à ce moment qu’il est le plus vulnérable à l’Histomonose et à l’humidité.
Prévention
- Évitez tout changement brutal (alimentation ou habitat) durant cette période.
- Protégez-les absolument de la pluie (le dicton dit : « Un dindonneau qui prend une goutte d’eau sur le dos pendant la crise du rouge est un dindonneau mort »).
Traitement Bio / Soutien
- Fortifiants : Donnez de l’ortie hachée mélangée à de l’œuf dur et du pain trempé. L’huile de foie de morue dans les pâtées.
- Recette traditionnelle : Certains éleveurs donnent des grains de poivre noir ou un mélange oignon/ail haché menu pour stimuler l’appétit et le système immunitaire.
Les Boiteries : Le Talon d’Achille du Dindon
Le poids important de la dinde adulte et la croissance ultrarapide du dindonneau fragilisent leur squelette et leurs articulations.
Causes principales :
Souvent une carence nutritionnelle (Manganèse, Calcium, Vitamine D3), un sol trop dur, ou une infection bactérienne (Staphylocoque, Mycoplasme) qui migre dans les articulations (arthrite).
Symptômes :
Animal assis en permanence, refuse de se lever, marche avec difficulté, articulations chaudes et gonflées, doigts tordus.
Prévention :
- Litière épaisse et souple indispensable.
- Alimentation riche en minéraux dès le démarrage (ne pas lésiner sur la qualité des miettes).
- Éviter la surpopulation qui empêche l’exercice et favorise les bactéries.
Traitement Bio/Soutien :
Isolement immédiat : Le repos est vital pour éviter que les autres dindons ne le piétinent ou ne l’empêchent de manger.
La Consoude : En cataplasme sur l’articulation enflée ou hachée dans la pâtée (plante réputée pour aider à la régénération osseuse et cartilagineuse).
Soutien minéral : Coquilles d’huîtres broyées + et bien sûr notre bonne vieille Huile de Foie de Morue (riche en Vitamine D) mélangées à la pâtée.
Dans le petit élevage familial et amateur où vous laissez grossir vos volailles sans précipitation, où vous leur offrez un vaste parcours pour développer un fort squelette, vous ne recontrerez généralement pas ce problème.
L’Éthique : Message important aux éleveurs amateurs
Le « Bio » n’est pas un dogme aveugle
Il est noble de vouloir soigner ses animaux avec des plantes, des huiles essentielles et de l’homéopathie. C’est excellent en prévention et pour les petits maux.
Cependant, l’éthique de l’éleveur, c’est avant tout le refus de la souffrance animale.
Si un traitement naturel (ail, vinaigre, thym) ne donne aucune amélioration après 48h.
Si l’animal souffre visiblement, ne s’alimente plus et dépérit. Il est de votre devoir de consulter un vétérinaire. L’utilisation ponctuelle d’un antibiotique ou d’un anticoccidien chimique pour sauver une vie n’est pas un échec, c’est un acte de responsabilité. Laisser un animal mourir à petit feu au nom du « tout naturel » est une forme de maltraitance involontaire.
Observez, prévenez, soignez naturellement, mais sachez demander de l’aide quand vos traitement naturels n’ont aucun effet.







