La pourriture grise, ou Botrytis, est l’une des maladies les plus courante du jardin. C’est un champignon dit « nécrotrophe », ce qui signifie qu’il tue les tissus de la plante avant de s’en nourrir. Il est aussi un grand opportuniste : il s’attaque prioritairement aux tissus affaiblis, blessés, sénescents (comme les fleurs fanées) ou stressés.
En permaculture, l’apparition du Botrytis est vue comme un symptôme d’un déséquilibre, presque toujours lié à une humidité excessive, un manque d’aération et la présence de « portes d’entrée » sur la plante. La prévention est donc axée sur la gestion de l’air et de l’eau.
Les « cryptogames » responsables
Le principal responsable est un champignon microscopique extrêmement commun :
Botrytis cinerea : Son nom vient du grec botrys (grappe de raisin) et du latin cinerea (cendré), décrivant parfaitement l’aspect de ses spores qui ressemblent à une grappe grise et poudreuse.
Ce champignon est omniprésent dans l’environnement. Il peut survivre en tant que saprophyte (en décomposant la matière organique morte) avant de devenir un parasite lorsque les conditions sont idéales. Il peut aussi se conserver dans le sol ou sur les débris végétaux sous forme de sclérotes (des structures de survie dures et noires).
Les périodes de l’année les plus favorables
Le Botrytis est le champignon du froid (ou frais) et de l’humidité stagnante.
Il prospère lorsque les températures sont fraîches à douces (optimales entre 15°C et 20°C) et que l’humidité relative est très élevée (plus de 90%) ou que les plantes sont couvertes d’eau (pluie, rosée, brouillard) pendant plusieurs heures.
- Printemps : Les périodes fraîches et pluvieuses sont très risquées, notamment pour les fleurs (fraisiers, pivoines).
- Automne et hiver : C’est sa saison de prédilection. Les jours raccourcissent, les nuits sont fraîches, l’humidité est constante et les plantes sont souvent en fin de cycle ou portent des fruits mûrs.
- Sous abri : C’est l’ennemi n°1 dans les serres, tunnels ou vérandas mal ventilés, où l’humidité condense sur les plantes à cause de la différence de température.
Les plantes les plus sensibles et les parties atteintes
Le Botrytis cinerea est extrêmement polyphage (il attaque plus de 200 espèces).
Plantes les plus sensibles :
- Petits fruits : Fraise (le plus emblématique), Framboise, Groseille.
- Vigne : C’est la fameuse « pourriture grise » (à ne pas confondre avec la « pourriture noble », qui est le même champignon mais dans des conditions climatiques différentes).
- Légumes-fruits : Tomate (surtout les fruits en fin de saison ou les tiges blessées), Aubergine, Poivron.
- Légumes-feuilles : Laitue (surtout « pommée »), Chou.
- Plantes ornementales : Rosier (les boutons et pétales), Pivoine, Géranium (Pelargonium).
Parties de la plante les plus atteintes :
- Les fleurs et pétales : C’est souvent la porte d’entrée. Les pétales fanés qui tombent et se collent sur une feuille ou un fruit offrent un « repas de démarrage » parfait pour le champignon.
- Les fruits : C’est là que les dégâts sont les plus visibles (fraises, tomates).
- Les tissus blessés : Plaies de taille, galeries d’insectes, dégâts de grêle.
- Les tiges : Il peut former des chancres (lésions beiges-brunes) qui ceinturent la tige et la font mourir (très courant sur la tomate).
Les symptômes
Les symptômes sont très reconnaissables :
Taches molles et aqueuses : La première étape est souvent une tache d’aspect « bouilli », brune ou beige, qui s’agrandit rapidement.
Feutrage gris poudreux : C’est le signe caractéristique qui ne trompe pas. La lésion se couvre d’un épais duvet gris-brun. Si on touche cette moisissure, elle libère un nuage de spores (la « cendre »).
Sur les fraises : La fraise devient molle, brune, puis se couvre du fameux duvet gris.
Sur les tiges (tomate) : Apparition d’une lésion beige-pâle qui s’étend, sèche, et peut « étrangler » la tige. Le feutrage gris apparaît souvent sur cette lésion par temps humide.
L’urgence, les bons réflexes du jardinier
L’urgence est élevée car la dissémination des spores est explosive. Un seul fruit moisi peut contaminer toute une récolte en quelques jours si les conditions sont réunies.
Les bons réflexes immédiats :
- Le Botrytis libère ses spores au moindre mouvement. N’essayez pas de couper simplement la partie malade. Prenez un sac plastique, recouvrez délicatement le fruit ou la partie atteinte sans la toucher, fermez le sac autour de la tige, puis coupez. Vous emprisonnez ainsi des millions de spores. (ne pas mettre au compost)
- Ne vous contentez pas d’enlever le fruit gris. Coupez toute la grappe ou la tige s’il le faut, car le mycélium est souvent déjà présent dans les tissus voisins.
- Aérer immédiatement : Si la maladie apparaît, c’est que l’air ne circule pas. Taillez, effeuillez (enlevez les feuilles basses des tomates, éclaircissez les fraisiers) pour créer des courants d’air.
Les traitements biologiques ou naturels
Le Botrytis est difficile à traiter en curatif, la prévention est donc reine. Cependant, certaines solutions peuvent ralentir sa progression.
Bacillus subtilis (et autres micro-organismes) :
Comme déjà mentionné, c’est un excellent agent de biocontrôle. Il agit par compétition (il occupe la place avant le Botrytis) et par antibiose (il produit des substances qui inhibent le champignon). C’est très efficace en préventif.
Décoction d’Ail :
C’est ma potion favorite pour les cultures sous châssis. Les propriétés antifongiques de l’ail sont efficaces pour gêner le développement du champignon.
Décoction de Prêle :
C’est le meilleur préventif. La silice renforce les parois cellulaires des plantes, les rendant physiquement plus difficiles à pénétrer pour le champignon.
La prévention en permaculture (focus sur la propagation)
Le Botrytis se propage par les spores (vent, éclaboussures) et a besoin de deux choses : de l’eau et une porte d’entrée. La prévention permacole vise à supprimer ces deux conditions.
L’air stagnant et l’humidité
La solution « permacole » :
- Planter plus large. Un plant de fraisier doit respirer, un plant de tomate doit être aéré.
- Tailler les gourmands des tomates (ou pas, mais dans tous les cas, effeuiller le bas), nettoyer les vieux feuillages des fraisiers après la récolte, tailler les rosiers pour ouvrir le centre. C’est indispensable. Tailler les gourmands des tomates (ou pas, mais dans tous les cas, effeuiller le bas), nettoyer les vieux feuillages des fraisiers après la récolte, tailler les rosiers pour ouvrir le centre.
- Ventilation (Serre) : Aérer, aérer, aérer, même en hiver. L’objectif est d’éviter la condensation.
Arrosage : Jamais le soir (l’humidité stagnerait toute la nuit). Arroser le matin, au pied, pour que le feuillage sèche vite. - Pour les fraises. Un paillage épais (paille, copeaux, aiguilles de pin) isole les fruits du sol humide et limite les éclaboussures.
Les portes d’entrée (blessures, fleurs fanées)
La solution « permacole » :
- Retirer les fleurs fanées : C’est une tâche cruciale sur les rosiers, géraniums, etc. Un pétale qui pourrit est le point de départ de l’infection.
Retirer les fruits abîmés : Ne laissez jamais un fruit piqué par un insecte ou fendu pourrir sur la plante. - Taille soignée : Tailler par temps sec avec des outils propres.

- Fertilisation équilibrée : Encore une fois, l’excès d’azote (purin d’ortie…) crée des tissus mous, gorgés d’eau, très sensibles au Botrytis. Privilégier le compost mûr et les apports de potasse (consoude) qui renforcent les tissus.







