En permaculture, le potager n’est pas vu comme une simple zone de production, mais comme un écosystème complexe et interconnecté. L’objectif est de maximiser les interactions positives entre les différents éléments (légumes, fleurs, herbes, insectes, sol). Le bon voisinage ou l’association des cultures est la technique qui consiste à planter côte à côte des espèces qui s’apportent des bénéfices mutuels, tout en évitant de placer ensemble celles qui se nuisent.

Deux définitions souvent employées par les jardiniers en permaculture :

Amies ou ennemies au potager, explorons ce concept qui crée ainsi un système plus résilient et productif qu’une monoculture.

Les plantes amies

Les « plantes amies » sont des espèces qui, plantées à proximité, créent une synergie. Leurs interactions positives peuvent prendre plusieurs formes comme  le plus connu la protection contre les ravageurs :.

  1. Effet répulsif : Certaines plantes aromatiques (lavande, romarin, menthe) ou fleurs (œillets d’Inde/tagètes) émettent des composés volatils qui repoussent des insectes nuisibles (pucerons, aleurodes, nématodes du sol).
  2. Effet de leurre : La capucine, par exemple, attire les pucerons, les détournant ainsi des cultures principales comme les haricots ou les tomates.
  3. Attraction des auxiliaires : De nombreuses fleurs (bourrache, phacélie, souci) attirent les insectes pollinisateurs (abeilles) et les auxiliaires (coccinelles, syrphes), qui se nourrissent des ravageurs.
  4. Fertilisation du sol : Les plantes de la famille des légumineuses (haricots, pois, fèves, trèfle) ont la capacité de fixer l’azote ($N_2$) de l’air dans le sol grâce à des bactéries dans leurs racines, le rendant disponible pour leurs voisines plus gourmandes (comme les tomates ou les courges).
  5. Optimisation de l’espace et de la lumière : L’exemple classique est le « Milpa » ou « les Trois Sœurs » : le maïs sert de tuteur au haricot grimpant, qui fixe l’azote pour tout le monde, tandis que la courge couvre le sol, garde l’humidité et limite les adventices.
  6. Support physique ou ombrage : Les plantes hautes peuvent fournir une ombre bénéfique aux cultures plus sensibles au soleil intense (ex: laitues en été).

Les plantes ennemies ou plutôt défavorables

Le terme « ennemi » est un peu fort ; « association défavorable » est plus juste. Ces plantes entrent en conflit lorsqu’elles sont trop proches :

  1. L’allélopathie : C’est le phénomène principal. Certaines plantes libèrent des substances chimiques par leurs racines ou leurs feuilles (ou lors de leur décomposition) qui inhibent la germination ou la croissance d’autres espèces. Le fenouil et l’absinthe sont les exemples les plus célèbres d’incompatibilité avec presque tout le potager.
  2. Concurrence pour les ressources : Deux plantes ayant des systèmes racinaires identiques ou des besoins très similaires en nutriments (ex: deux légumes-feuilles très gourmands) vont entrer en compétition directe pour l’eau et la nourriture, s’épuisant mutuellement.
  3. Propagation des maladies et ravageurs : Il est fortement déconseillé de planter côte à côte des plantes de la même famille botanique. Elles sont souvent sensibles aux mêmes maladies (comme le mildiou pour les tomates et les pommes de terre, toutes deux des Solanacées) et attirent les mêmes ravageurs spécifiques (comme la piéride pour tous les choux).

Ces associations de légumes au potager sont-elles vraiment efficaces ?

C’est une question complexe qui divise le monde scientifique et le monde du jardinage.

  • Ce qui est prouvé : Certaines interactions sont scientifiquement validées. L’effet répulsif des tagètes (œillets d’Inde) sur les nématodes dans le sol est bien documenté. La capacité des légumineuses à fixer l’azote est un fait agronomique incontestable.
  • Ce qui relève de ce que le jardinier a appris des anciens (mon cas !) : Beaucoup d’associations (comme le basilic améliorant le goût de la tomate) relèvent davantage de l’observation empirique et du savoir-faire transmit par des générations de jardiniers. La permaculture valorise grandement ce savoir empirique.

Un tableau récapitulatif des associations de légumes

Principal légume Plantes favorables (Amies) Plantes défavorables (Ennemies)
Tomate Basilic (goût, repousse mouches), Œillet d’Inde (nématodes), Capucine (leurre pucerons), Carotte, Céleri, Poireau, Persil. Pomme de terre (partage du mildiou), Fenouil (allélopathie), Concombre (sensibles mêmes maladies), Maïs (partage de ravageurs).
Carotte Poireau (se protègent mutuellement de leurs mouches respectives), Laitue, Radis (récoltés avant, aèrent sol), Romarin, Sauge, Pois. Fenouil, Aneth (attire des ravageurs), Menthe (trop envahissante), Pomme de terre.
Haricot (Nain ou grimpant) Maïs + Courge (Les « 3 Sœurs »), Carotte, Céleri, Chou, Fraisier, Pomme de terre, Sarriette (protège pucerons). Famille des Alliacées : Ail, Oignon, Échalote, Poireau (inhibent la croissance des haricots).
Choux (toute la famille : Brocoli, Kale, etc.) Céleri (repousse piéride), Tomate (repousse ravageurs), Menthe (repousse piéride, mais en pot !), Sauge, Romarin. Fraisier (concurrence), Fenouil, Autres choux (concurrence, propagation maladies), Vigne.
Laitue Carotte, Radis, Fraisier, Concombre, Aneth (protège pucerons), Cerfeuil. Persil (concurrence), Céleri, Fenouil.
Poireau Carotte (association « classique » contre les mouches), Céleri, Oignon, Fraisier, Tomate. Haricot, Pois, Fève (toutes les légumineuses).
Pomme de terre Haricot (enrichit sol), Fève, Maïs, Chou, Raifort (protège doryphore), Œillet d’Inde. Tomate (mildiou), Courge, Concombre (partagent maladies), Tournesol, Framboisier.
Courge / Courgette Maïs & Haricot (Les « 3 Sœurs »), Capucine (leurre), Bourrache (attire pollinisateurs), Radis. Pomme de terre (maladies), Fenouil. (Éviter de les planter trop serrées).
Fraisier Laitue, Épinard, Bourrache (attire pollinisateurs), Haricot nain, Poireau. Choux (toute la famille), Fenouil.

Enfin dernier point à considérer, le contexte :

En effet, l’efficacité d’une association de légumes au potager dépend énormément du sol, de la situation du jardin, du climat, de la densité de plantation et des variétés spécifiques utilisées.

En conclusion :

Les associations ne sont pas une « formule magique » garantissant l’absence de problèmes. Cependant, elles constituent un outil puissant pour augmenter la biodiversité au potager. En multipliant les interactions, on crée un système plus complexe, plus stable et moins dépendant des intrants extérieurs (pesticides, engrais chimiques), ce qui est l’essence même de la permaculture.

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