Les rouilles sont un groupe de maladies fongiques qui tirent leur nom des pustules de couleur orange, brune ou jaune qu’elles forment sur les plantes, ressemblant à de la rouille sur du métal. Ce sont des parasites dits « biotrophes obligatoires », ce qui signifie qu’ils ont besoin de tissus végétaux vivants pour se nourrir et survivre (contrairement au Botrytis qui tue les tissus).
En permaculture, la gestion de la rouille est un cas d’école : elle oblige le jardinier à penser en termes de design (placement des plantes), de cycles de vie (hôtes multiples) et de renforcement de la plante (nutrition), plutôt qu’en simple traitement.
Les « cryptogames » responsables
Ici encore, il s’agit de vrais champignons (ordre des Pucciniales). Le monde des rouilles est incroyablement complexe.
Cycles complexes : La caractéristique la plus importante de nombreuses rouilles est leur cycle de vie hétéroïque. Cela signifie qu’elles ont besoin de deux plantes hôtes différentes et non apparentées pour accomplir leur cycle de vie complet.
Cycles simples : D’autres rouilles sont autoïques, c’est-à-dire qu’elles passent tout leur cycle sur une seule espèce de plante.
Les rouilles les plus courantes au jardin
- Gymnosporangium sabinae (Hétéroïque) : La fameuse rouille grillagée du poirier. Son hôte principal est le Poirier, et son hôte secondaire (où il passe l’hiver) est un Genévrier (souvent Juniperus sabina ou J. chinensis).
- Puccinia porri (Autoïque) : La rouille du poireau, qui attaque aussi l’ail et l’oignon.
- Puccinia malvacearum (Autoïque) : La rouille de la rose trémière.
- Phragmidium mucronatum (Autoïque) : La rouille du rosier.
- Puccinia hordei (Hétéroïque) : La rouille de l’orge, qui utilise l’Ornithogale comme hôte secondaire.
Les périodes de l’année les plus favorables
La rouille est, comme le mildiou, une maladie d’humidité.
La condition sine qua non est la présence d’eau liquide sur le feuillage (rosée, pluie, brouillard, arrosage par aspersion) pendant plusieurs heures, combinée à des températures douces.
- Printemps : Période critique pour les rouilles hétéroïques. C’est le moment où l’hôte secondaire (ex: le genévrier) libère les spores qui vont infecter l’hôte principal (ex: le poirier).
- Fin d’été et Automne : Période la plus favorable pour les rouilles autoïques comme celle du poireau. L’humidité nocturne (rosée) est très présente, les températures sont encore douces, et les plantes sont bien développées.
Les plantes les plus sensibles et les parties atteintes
Plantes les plus sensibles :
- Alliacées : Poireau (très sensible), Ail, Oignon, Ciboulette.
- Rosacées : Rosier, Poirier, Framboisier.
- Fabacées : Haricot.
- Plantes ornementales : Rose trémière (quasi systématique), Muflier, Pélargonium (géranium des balcons), Menthe.
Parties de la plante les plus atteintes :
- Les feuilles : C’est la cible principale. La maladie est rarement sur les fruits (sauf cas de la rouille grillagée qui peut toucher les rameaux et fruits du poirier).
- Les tiges : Les tiges tendres (rosiers, menthe) peuvent aussi être couvertes de pustules.
Les symptômes
Les symptômes sont très faciles à identifier :
Taches décolorées : Apparition de petites taches jaunes ou orangées sur la face supérieure des feuilles.
Pustules poudreuses : C’est le signe clé. Sur la face inférieure des feuilles (juste sous les taches), on voit apparaître des « coussinets » ou des pustules en relief.
La couleur « rouille » : Ces pustules sont remplies de spores. Si on passe le doigt dessus, une poudre orange, jaune ou brun-rouge s’y dépose.
Le cas du Poirier :
La rouille grillagée est spectaculaire. Elle forme de larges taches orange vif sur le dessus des feuilles, et des excroissances en forme de « cornes » (les écidies) au-dessous.
Fin de saison : En automne, les pustules peuvent devenir noires. Ce sont les téliospores, la forme hivernante du champignon.
L’urgence, les bons réflexes du jardinier
La rouille tue très rarement la plante (sauf semis). C’est une maladie d’affaiblissement : elle réduit la photosynthèse, épuise la plante, et diminue donc le calibre des légumes (poireaux plus petits) ou la floraison.
Les bons réflexes immédiats :
- Dès les premières taches, vérifier sous la feuille pour confirmer le diagnostic.
- Couper les premières feuilles atteintes sans secouer (pour ne pas disperser les spores).
- Mettre les feuilles dans un sac fermé et les évacuer à la déchetterie ou les brûler. Les spores de rouille sont très résistantes et survivent au compostage.
- En cas d’arrosage par aspersion : Ne plus arroser le feuillage.
- Traiter immédiatement les cultures sensibles encore saines voisines (voir chapitre suivant).
Les traitements biologiques ou naturels
La rouille est très difficile à soigner une fois installée. Les traitements visent surtout à empêcher la germination des spores sur les feuilles saines.
La Décoction de Prêle :
C’est LE traitement préventif de référence contre la rouille. La silice qu’elle contient rend l’épiderme de la feuille plus dur, comme une armure, que le champignon peine à pénétrer.
La Décoction d’Ail :
(Comme pour l’oïdium) Les composés soufrés de l’ail ont une bonne action fongicide qui peut gêner le développement de la rouille.
Le Soufre :
Le soufre mouillable est efficace contre les rouilles, mais avec les mêmes précautions que pour l’oïdium (ne pas traiter par forte chaleur > 25°C).
Le Bicarbonate de Soude :
Peut aider en modifiant le pH, mais son efficacité est moins reconnue sur la rouille que sur l’oïdium.

Quelques autres macérations et décoctions ont montré une certaine efficacité, à tester :
une macération de tanaisie, une macération d’absinthe.
La prévention en permaculture (focus sur la propagation)
La propagation se fait par le vent (spores très légères) et la germination se fait par l’eau. La stratégie en permaculture est donc double : rompre le cycle et gérer l’humidité.
Le cycle de vie (Hôtes multiples)
La solution « permacole » :
– Le « Design » et la Rupture du Cycle.
C’est la mesure la plus importante pour les rouilles hétéroïques.
Exemple de la rouille du poirier : Le champignon doit passer l’hiver sur un genévrier (Juniperus). Il ne peut pas survivre sur le poirier. Au printemps, le genévrier produit des « tumeurs » gélatineuses orange qui libèrent les spores contaminant le poirier.
Action : Ne PAS planter de genévriers (surtout J. sabina ou J. chinensis) à moins de 100-500 mètres de vos poiriers. Si un genévrier voisin est infesté, il faut le tailler sévèrement ou l’abattre.
L’humidité du feuillage
La solution « permacole » :
– Gérer l’air et l’eau.
Comme pour toutes les maladies fongiques, l’air doit circuler. Espacez vos poireaux, vos haricots, vos rosiers. Ne créez pas une masse végétale dense et humide.
Arrosage : Au pied, le matin. Jamais par aspersion, et jamais le soir (ce qui laisserait 12h d’humidité nocturne parfaite pour la germination).
La persistance dans le sol
La solution « permacole » :
Pour les rouilles autoïques (poireau, ail), les spores d’hiver (téliospores) tombent au sol avec les débris de feuilles.
Action : Pratiquer une rotation stricte de 3 à 4 ans pour toutes les alliacées. Ne jamais replanter un poireau là où il y avait de l’ail l’année précédente.
Une plante faible
La Nutrition Équilibrée (bonne teneur en potasse de vos intrants)
La rouille attaque souvent les plantes carencées en potasse (K). La potasse renforce les tissus et aide la plante à réguler son eau, la rendant moins sensible.
Action : Éviter l’excès d’azote (purin d’ortie, si des apport d’azote on été faits à la préparation du sol) qui rend les tissus mous. Privilégier les apports de consoude (purin ou paillage), de cendre de bois (avec parcimonie) ou de compost bien mûr.







