La tavelure est l’une des maladies les plus courantes du pommier et du poirier. Elle est causée par un champignon qui s’attaque aux feuilles et aux fruits, provoquant des taches sombres et « liégeuses » (ressemblant à du liège) qui déforment les fruits et les rendent sensibles à d’autres infections.
En permaculture, la tavelure n’est pas considérée comme une maladie mortelle pour l’arbre, mais comme un indicateur d’un déséquilibre. Sa gestion repose sur trois piliers :
– Rompre son cycle de reproduction (la prophylaxie).
– Choisir des variétés adaptées (la résilience).
– Favoriser l’aération (le design).

Les « cryptogames » responsables

La maladie est causée par deux champignons (Ascomycota) très similaires, mais spécifiques à leur hôte :

  • Venturia inaequalis : Responsable de la tavelure du pommier.
  • Venturia pyrina : Responsable de la tavelure du poirier.

Le cycle de vie de ce champignon est la clé pour le comprendre :
Phase d’hiver (sexuée) : Le champignon survit dans les feuilles mortes tombées au sol. Il y mûrit tout l’hiver sous forme de périthèces.
Phase de printemps (ascospores) : Au printemps, avec la pluie et des températures douces, ces périthèces « explosent » et libèrent des ascospores qui sont projetées par la pluie sur les jeunes feuilles et fleurs (c’est l’infection primaire).
Phase d’été (conidies) : Les premières taches apparues au printemps produisent de nouvelles spores (asexuées), les conidies, qui contaminent d’autres feuilles et les jeunes fruits (infections secondaires) tout l’été.

Les périodes de l’année les plus favorables

Le cycle de la tavelure est parfaitement synchronisé avec celui de l’arbre.
Le Printemps (Avril à Juin) : C’EST LA PÉRIODE CRITIQUE.
C’est le moment des infections primaires (celles qui démarrent l’épidémie).
Le cocktail parfait est : Pluie + Températures douces (10°C à 20°C) +

Jeunes feuilles tendres.

Le champignon a besoin d’un certain nombre d’heures d’humidité continue sur la feuille pour germer. Plus il fait doux, moins il faut d’heures (c’est la fameuse « Table de Mills »).

L’Été et l’Automne :

Période des infections secondaires.
Chaque nouvelle pluie ou orage d’été peut propager les conidies (issues des premières taches) sur les fruits en développement.

Les plantes les plus sensibles et les parties atteintes

Plantes les plus sensibles :
Pommier (Malus domestica)
Poirier (Pyrus communis)
D’autres rosacées comme le Sorbier ou le Cotoneaster peuvent être touchés, mais les dégâts sont majeurs sur pommier et poirier.

Certaines variétés sont notoirement sensibles (ex: ‘Golden Delicious’, ‘Gala’, ‘Passe-Crassane’, ‘Williams’).

Parties de la plante les plus atteintes :
– Les feuilles : C’est là que la maladie s’installe en premier.
– Les fruits : C’est le dommage le plus problématique pour le jardinier.
– Les rameaux : (Plus rare) La tavelure peut former de petites boursouflures sur le jeune bois, qui peuvent servir de refuge d’hiver (en plus des feuilles au sol).

Les symptômes

Les symptômes sont faciles à distinguer :

Sur les feuilles :

  • Apparition de taches vert olive, d’aspect « velouté », sur la face supérieure.
  • Ces taches s’agrandissent, deviennent gris-brunâtres, puis nécrotiques.
  • En cas de forte attaque, les feuilles jaunissent et tombent prématurément (défoliation), ce qui affaiblit l’arbre.

Sur les fruits  :

  • Taches similaires, vert olive à noirâtres.
  • La peau sous la tache cesse de grandir.
  • La tache devient « liégeuse » : le champignon détruit l’épiderme, et le fruit réagit en créant une couche de liège.
  • Comme la chair continue de grossir mais pas la tache, des crevasses et des craquelures apparaissent, déformant le fruit et ouvrant la porte à d’autres maladies (comme la moniliose).

L’urgence, les bons réflexes du jardinier

L’urgence est faible à moyenne.
La tavelure ne tue pas l’arbre. Elle l’affaiblit et ruine la récolte de fruits.
L’urgence est saisonnière : Elle est maximale au printemps, car c’est à ce moment-là que tout se joue. Si vous empêchez l’infection primaire (celle qui vient des feuilles mortes), vous n’aurez quasiment pas de maladie de l’année.

Les bons réflexes immédiats :

  1. Surveillance (Automne) : Identifier les arbres malades pour cibler l’action prioritaire.
    Le réflexe N°1 est de gérer les feuilles mortes (voir prévention).
  2. Surveillance (Printemps) : Surveiller la météo (pluie + douceur) dès le débourrement (ouverture des bourgeons).
    Appliquer un traitement préventif (cuivre, soufre, prêle) AVANT les pluies contaminatrices annoncées. Une fois la tache visible, il est trop tard pour cette lésion.

Les traitements biologiques ou naturels

En bio, les traitements sont majoritairement préventifs (ils empêchent la spore de germer).

La Bouillie Bordelaise (Cuivre) :

Les pulvérisation s font juste au débourrement (ouverture des bourgeons).
Ce fongicide de contact crée un film protecteur qui tue les spores.
Limite en Permaculture : Le cuivre est un métal lourd qui s’accumule et nuit à la vie du sol. À utiliser à dose minimale (bouillie « légère ») et seulement si c’est indispensable.

Le Soufre (Soufre mouillable) :

C’est le traitement le plus efficace. Il est à la fois préventif et « stop » (curatif) s’il est appliqué dans les 24-48h suivant le début de la pluie infectieuse.
Ne pas traiter par forte chaleur (plus de 25°C), risque de brûlures.

La Décoction de Prêle :

Action : Préventive. La silice renforce les tissus de la feuille, la rendant plus « dure » et difficile à pénétrer. À pulvériser régulièrement au printemps.

L’Argile (Kaolinite) :

Crée une barrière physique sur la feuille, gênant la germination des spores. Sert aussi d’excellent agent mouillant/adhérent pour les autres traitements. (voir l’article sur le mildiou)

La prévention en permaculture (focus sur la propagation)

C’est ici que la permaculture offre les solutions les plus durables, en se concentrant sur les deux points faibles du champignon : son hivernage et sa dépendance à l’eau.

L’hivernage dans les feuilles mortes

La solution « permacole » :

  • Ramasser et exporter toutes les feuilles mortes à l’automne. Les brûler (si autorisé) ou les mettre en déchetterie. Ne pas les mettre au compost, sauf si on est certain d’une montée en température très élevée.
  • Accélérer la décomposition. Le but est de faire disparaître les feuilles avant le printemps.
  • Faire passer des poules sous l’arbre à l’automne. Elles grattent, déchiquettent les feuilles et mangent les larves, accélérant la décomposition.
    Pour aider les poules, passer la tondeuse (en mode mulching) sur les feuilles pour les broyer.

L’eau stagnante sur le feuillage, aération

La solution « permacole » :

  • La Taille d’Aération : Un arbre doit être « aéré pour voir le verger en transparence ! ».
    Pratiquer une taille avec des outils propres. en gobelet ou en fuseau ajouré. Le soleil et le vent doivent pouvoir sécher le feuillage rapidement après une pluie, ne laissant pas au champignon les heures d’humidité dont il a besoin pour germer.
    Espacement : Ne pas planter les arbres trop serrés.
  • Le choix des variétés :C’est la solution la plus simple en amont. Planter des variétés modernes résistantes (comme ‘Ariane’, ‘Topaz’, ‘Florina’, ‘Goldrush’) ou des variétés anciennes tolérantes et adaptées à votre terroir (demander aux associations locales de pomologie). C’est la base d’un verger permacole à faible entretien..
  • Une plante faible : Éviter les excès d’azote (fumier frais, purin d’ortie excessif) qui créent des feuilles tendres et trop réceptives. Favoriser un sol vivant, nourri au compost mûr et riche en potasse (consoude, cendre) qui renforce les tissus.

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