C’est un sujet grave et central en permaculture, car il touche au cœur même du système : le sol. Le pourridié n’est pas une « maladie » au sens classique, c’est un syndrome d’effondrement.
Voici une synthèse de sa gestion, en respectant votre architecture.
Introduction
Le pourridié, aussi appelé « pourriture des racines », est un terme générique désignant un ensemble de maladies fatales causées par des champignons ou des micro-organismes similaires qui attaquent et détruisent le système racinaire des plantes, en particulier des arbres et arbustes.
En permaculture, l’apparition du pourridié est le signal d’alarme ultime d’un sol en état critique. Il est le symptôme d’un sol asphyxié, gorgé d’eau, manquant d’oxygène et de vie microbienne bénéfique. La gestion du pourridié n’est donc presque jamais curative ; elle est à 99% préventive et repose sur la conception (le design) et la régénération de la vie du sol.

 

Les « cryptogames » responsables

Plusieurs pathogènes majeurs peuvent être responsables de ce syndrome. Ce ne sont pas tous des « cryptogames » au sens ancien, mais un mélange de champignons (Fungi) et d’Oomycètes.

Les infections fongiques des racines les plus courantes au jardin

  • L’Armillaire (Armillaria mellea, A. ostoyae) : C’est la plus célèbre et la plus redoutable pour les arbres. C’est un champignon (Fungi).
    Il est saprophyte (se nourrit de bois mort) mais devient un parasite agressif sur des plantes affaiblies.
    Il produit des rhizomorphes (sortes de « lacets » noirs et durs) qui se propagent dans le sol de racine en racine, et un feutrage mycélien blanc caractéristique sous l’écorce. Il produit aussi des touffes de champignons couleur miel à l’automne.
  • Le Phytophthora (P. cinnamomi, P. cactorum…) :
    C’est un Oomycète (comme le mildiou), un « pseudo-champignon » qui a besoin d’eau liquide pour se déplacer (via ses zoospores).
    Il est responsable de la « maladie de l’encre » du châtaignier, du dépérissement du rhododendron et de nombreuses pourritures du collet et des racines sur les fruitiers.
  • Le Pythium (Pythium spp.) :
    Également un Oomycète, il est tristement célèbre pour la « fonte des semis« , qui est un pourridié des plantules. Il prospère dans les substrats trop humides et froids.
  • Le Rosellinia (Rosellinia necatrix) :
    Un champignon (Fungi) responsable du « pourridié blanc ». Il est très polyphage et redoutable sur les arbres fruitiers et la vigne.

Les périodes de l’année les plus favorables

Le pourridié n’est pas tant une maladie de saison qu’une maladie de condition du sol. Le pathogène est souvent présent à l’état latent et attend le moment propice.
Le facteur déclenchant est l’asphyxie racinaire par excès d’eau.

  • Printemps : Un printemps très pluvieux sur un sol lourd et non drainé peut aussi être fatal.
    Toute l’année (par irrigation) : Une irrigation mal gérée (goutte-à-goutte qui fuit au pied d’un arbre, arrosage excessif dans une cuvette) peut déclencher la maladie même en plein été.
  • Automne et hiver : C’est la période la plus critique. Les pluies sont abondantes et continues, le sol se sature en eau (engorgement), l’oxygène est chassé. Les racines, privées d’air, s’affaiblissent et deviennent des proies faciles.

Les plantes les plus sensibles et les parties atteintes

Plantes les plus sensibles :

  • Arbres fruitiers : Pommier, Pêcher, Abricotier, Cerisier, Prunier, Vigne.
  • Arbres forestiers : Châtaignier, Chêne, Hêtre.
  • Arbres et arbustes d’ornement : Rhododendron, Azalée, Bruyère (très sensibles au Phytophthora),
  • Conifères (Thuya, Cyprès, Genévrier, Pin), Rosier.
    Pélargonium (géranium des balcons), Menthe.
  • Légumes : (Plus rare, mais possible en sol très lourd) Tomate, Poivron, Concombre.
  • Semis : Tous les semis sont sensibles à la fonte des semis (Pythium).

Parties de la plante les plus atteintes :

  • Les racines et radicelles : C’est le point de départ. Elles noircissent, deviennent molles, se désagrègent.
  • Le collet : (La jonction entre les racines et le tronc). L’écorce devient foncée, suinte, et pourrit. C’est le point de non-retour.

Les symptômes

Lorsque les signes aériens apparaissent, il est souvent trop tard. La plante se comporte comme si elle mourait de soif, car ses racines, détruites, ne peuvent plus absorber d’eau. En plein été les feuilles tombent !

Signes aériens (visibles de loin) :

Flétrissement soudain : La plante se ramollit, comme en plein stress hydrique, mais ne récupère pas après un arrosage.
Dépérissement : Souvent un côté de l’arbre meurt en premier, puis le reste suit.
Décoloration du feuillage faisant penser à une chlorose : Les feuilles jaunissent, virent au brun et tombent prématurément.
Faible croissance : La croissance est ralentie, les fruits sont petits et tombent.
Mort subite (apoplexie) : L’arbre meurt brutalement au printemps ou en été.

Signes au pied (le diagnostic) :

– Pour l’Armillaire : Grattez l’écorce à la base du tronc. La présence d’un feutrage blanc, dense, en forme d’éventail, sentant le champignon frais est le signe distinctif. On peut aussi trouver les « lacets » noirs (rhizomorphes) sur les racines. À l’automne, des touffes de champignons (armillaires couleur miel) poussent au pied.
– Pour le Phytophthora : L’écorce au niveau du collet est brun-rougeâtre, gorgée d’eau, parfois avec des suintements (gommose). Il y a une ligne de démarcation nette entre le tissu sain (blanc/vert) et le tissu malade (brun).

L’urgence, les bons réflexes du jardinier

Le pourridié est un syndrome d’effondrement racinaire. Une fois les symptômes visibles sur la plante, celle-ci est très souvent condamnée, et l’intervention vise surtout à protéger l’écosystème environnant.

Les bons réflexes immédiats :

  1. Confirmer la maladie en grattant le collet.
  2. Stopper tout arrosage pour ne pas aggraver l’asphyxie.
  3. L’Arrachage c’est la seule solution. La plante est condamnée et devient un réservoir de maladie. Il faut arracher l’arbre ou l’arbuste malade. Il ne suffit pas de couper le tronc. Il faut excaver et retirer le maximum de racines du sol (surtout pour l’Armillaire qui vit dessus).
  4. DESTRUCTION : Ne JAMAIS mettre les débris (racines, tronc) au compost ni les broyer pour faire du paillis. Cela propagerait la maladie dans tout le jardin. Brûlez les sur place.
  5. Laisser le trou de plantation ouvert à l’air, au soleil et au gel pendant des mois (voire un an) pour assainir la zone.

Les traitements biologiques ou naturels

Soyons clairs : il n’existe aucun traitement curatif pour une plante atteinte. Les « traitements » sont des mesures préventives à appliquer sur des plantes saines voisines ou lors d’une nouvelle plantation dans une zone à risque.

Le Trichoderma (Trichoderma harzianum, T. atroviride) :

C’est LE traitement préventif de référence contre la rouille. La silice qu’elle contient rend l’épiderme de la feuille plus dur, comme une armure, que le champignon peine à pénétrer.

À introduire dans le sol (produits commerciaux) lors de la plantation ou en arrosage au pied des arbres voisins. Il agit par compétition et parasitisme.

Les Mycorhizes :

Ce n’est pas un traitement, c’est une aide à la prévention. Une plante dont le système racinaire est colonisé par des mycorhizes (symbiose) dispose d’un réseau de défense bien plus robuste et d’une meilleure capacité à absorber l’eau, la rendant moins vulnérable à l’asphyxie.
À ajouter sous forme de poudre à la plantation. Il existe des terreaux enrichis de mycorhizes à mélanger à la terre lors de la plantation des arbres.

La prévention en permaculture (focus sur la propagation)

La propagation se fait par le sol, l’eau et le bois mort. La prévention en permaculture est l’unique stratégie viable.

Le sol gorgé d’eau (Asphyxie)

La solution « permacole » :

Ne jamais planter d’arbres ou d’arbustes sensibles dans une « cuvette » (un point bas humide).
Plantation sur Buttes/Ados : C’est la règle d’or en permaculture pour les sols lourds. On plante les arbres fruitiers sur des buttes larges et basses (ados) ou sur les levées des baissières (swales). Le collet est ainsi toujours hors d’eau, même si le sol alentour est saturé.
Décompactage indispensable à la plantation : Aérer le sol en profondeur (grelinette, sous-soleuse) avant la plantation pour briser la semelle de labour et faciliter l’évacuation de l’eau.

Vous trouverez sur de nombreux ouvrages : mettre une couche gravie ou de sable au fond du trou de plantation. C’est une erreur fatale, car en terrain lourd cet apport se transforme en poche d’eau par forte pluie. Préférez la plantation de variétés ou de porte-greffe adaptés.

 

Le Bois Mort et les Blessures

La solution « permacole » :

L’Armillaire se nourrit de bois mort. Avant de planter un verger, il est crucial d’enlever les vieilles souches d’arbres morts.
Éviter à tout prix de blesser le collet et les racines avec des outils (débroussailleuse, tondeuse).
Ne jamais enterrer le point de greffe ou le collet de l’arbre. Mieux vaut planter « trop haut que trop bas ».

La provenance de vos paillages (ex : BRF)

La provenance du BRF (Broyat de Bois Raméal Fragmenté) ou autre paillage végétal un point technique essentiel et un pilier de la gestion des risques en permaculture.
L’un des principes de la permaculture est de « boucler les cycles » (recycler la biomasse), mais cela s’accompagne d’un principe de vigilance fondamental : connaître et maîtriser ses intrants.
L’importation de matière organique, comme du BRF municipal ou de provenance inconnue, est un vecteur de risque majeur.

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