Le pigeon est naturellement un oiseau robuste. Cependant, l’élevage (la concentration d’animaux au même endroit) crée une pression microbienne que la nature seule ne gère pas. En élevage biologique, nous refusons l’usage systématique d’antibiotiques qui affaiblissent les souches et détruisent la flore intestinale. Notre stratégie repose sur un trépied : Patrimoine génétique solide + Environnement sain Immunité naturelle. Soigner en bio, c’est avant tout empêcher la maladie d’entrer.

Prévention : Les fondations de la santé

Avant même de parler de remèdes, il faut parler de barrières.

  • Le choix rigoureux à l’achat : La santé s’achète avec l’oiseau. Privilégiez des éleveurs reconnus pour leur sérieux sanitaire. Un pigeon sain a l’œil vif, le plumage serré, les caroncules blanches et la gorge rose. Fuyez les oiseaux apathiques ou trop légers.
  • La Quarantaine (Le sas de sécurité) : Ne jamais introduire immédiatement un nouvel arrivant. Isolez-le 3 à 4 semaines dans une cage à part. C’est souvent durant ce stress du changement que des maladies latentes se déclarent.
  • Un pigeonnier « Forteresse » : L’habitat est le premier médicament.
    • Aération : L’air doit se renouveler sans créer de courants d’air directs sur les perchoirs (test de la flamme de bougie).
    • Humidité : C’est l’ennemi. Un pigeonnier sec tue les microbes ; un pigeonnier humide les cultive.

Mode d’élevage : La routine anti-maladie

  • Guerre aux poussières : La paille moisie ou poussiéreuse et les fientes séchées pulvérisées irritent les voies respiratoires et transportent des spores de champignons. Préférez des litières dépoussiérées ou du sable, et nettoyez souvent.
  • Alimentation équilibrée : Un pigeon carencé est un pigeon fragile. Le mélange de graines doit être adapté à la saison (mue, élevage, repos).
  • Oligo-éléments et Vitamines : Le grit (pierre, écailles d’huîtres, charbon de bois) est indispensable pour la digestion et l’apport en calcium. Des cures régulières de vitamines naturelles renforcent l’organisme.
  • L’Eau : Le point critique : Elle doit être renouvelée quotidiennement. En été, c’est deux fois par jour.
  • Zéro Stress : Surpopulation, bruits, prédateurs rôdant autour de la volière… Le stress fait chuter les défenses immunitaires et réveille les porteurs sains.

Les principales maladies : Connaître l’ennemi

Les pathologies se classent en trois familles :

  1. Virales : (Variole, Paramyxovirose) – Pas de traitement curatif, seul le vaccin ou le soutien immunitaire aide.
  2. Bactériennes et Fongiques : (Colibacillose, Salmonellose, Aspergillose).
  3. Protozoaires et Parasites : (Trichomonose, Coccidiose, Vers). 

Attention aux faux diagnostics ! La plupart des maladies présentent des symptômes similaires au début : pigeon en boule, plumage ébouriffé, perte de poids, nez sale. Sans analyse (microscope/vétérinaire), il est facile de confondre une coccidiose et une salmonellose.

La Trichomonose (« Le Bouton Jaune »)

  • Présentation et Symptômes : C’est la maladie n°1 du pigeon, causée par un protozoaire flagellé. Elle frappe souvent les jeunes.
    • Signes : L’oiseau baille, a du mal à déglutir. Ouverture du bec : présence de dépôts jaunâtres caséeux (comme du fromage) au fond la gorge.
  • Prévention : Assainissement strict de l’eau de boisson. Éviter que les pigeons ne boivent dans les gouttières.
  • Traitement Bio :
    • Acidification : Vinaigre de cidre dans l’eau (1 cuillère à soupe par litre) régulièrement (crée un milieu hostile au protozoaire).
    • Traitement de choc naturel : Ail et produits à base d’extraits de plantes (Trichorex ou équivalent bio du commerce).

La Coccidiose

  • Présentation et Symptômes : Parasite intestinal qui détruit la paroi de l’intestin. Fréquente par temps chaud et humide.
    • Signes : Diarrhée (parfois sanguinolente), amaigrissement rapide (le bréchet devient saillant), soif intense, pigeon prostré.
  • Prévention : Maintenir le sol de la volière absolument sec. Utiliser des caillebotis pour que le pigeon ne marche pas dans ses fientes.
  • Traitement Bio :
    • L’hygiène est le premier traitement (brûler les fientes au chalumeau thermique).
    • Phytothérapie : Vinaigre de cidre + Ail. Certaines huiles essentielles (Origan, Cannelle) sont très efficaces (attention au dosage, très puissant).

La Colibacillose (E. Coli)

  • Présentation et Symptômes : Bactérie souvent présente naturellement, mais qui devient pathogène en cas de stress ou d’autre maladie (adénovirus).
    • Signes : Fientes liquides, glaireuses, odeur nauséabonde. Mortalité élevée chez les pigeonneaux au nid (ventre gonflé, humide).
  • Prévention : Renforcer la flore intestinale (probiotiques). Éviter la surpopulation.
  • Traitement Bio :
    • Probiotiques : Reconstruction immédiate de la flore.
    • Soutien : Propolis et extrait de pépins de pamplemousse (antibiotique naturel).

La Tuberculose

  • Présentation et Symptômes : Maladie bactérienne chronique, rare mais grave.
    • Signes : Amaigrissement lent mais extrême malgré l’appétit, boiteries, ou nodules sur les articulations (ailes/pattes) et parfois diarrhée.
  • Prévention : Hygiène, lumière solaire (UV tue le bacille). Éviter tout contact avec les volailles.
  • Traitement Bio :
    • Aucun. La maladie est incurable.
    • Action : Il faut éliminer les sujets atteints pour protéger le reste de la colonie et désidfecter totalement le pigeonnier (chaux vive).

La Variole (« La Poquette »)

  • Présentation et Symptômes : Maladie virale transmise par les moustiques ou les bagarres (sang).
    • Signes : Forme cutanée (verrues/croûtes sur le bec, les yeux, les pattes) ou forme diphtérique (membranes jaunâtres dans le bec, plus grave).
  • Prévention : Lutter contre les insectes piqueurs dans le pigeonnier.
  • Traitement Bio :
    • C’est un virus, les antibiotiques ne servent à rien.
    • Soins locaux : Badigeonner les verrues avec de la teinture d’iode ou de la Bétadine pour les assécher.
    • Interne : Vitamine A (Huile de foie de morue) pour aider la peau et les muqueuses à cicatriser.

La Maladie de Newcastle (Paramyxovirose)

  • Présentation et Symptômes : Virus redoutable et très contagieux.
    • Signes : Troubles nerveux spectaculaires (tête retournée à 180°, torticolis), le pigeon tourne en rond, fientes très liquides (flaque d’eau).
  • Prévention : La vaccination est souvent obligatoire légalement (même en bio, c’est une prophylaxie d’État).
  • Traitement Bio :
    • Incurable. Mortalité élevée.
    • Les survivants gardent souvent des séquelles nerveuses et restent porteurs. L’élimination est souvent la seule issue triste mais nécessaire.

Le Coryza

  • Présentation et Symptômes : Affection respiratoire (souvent un complexe de bactéries et mycoplasmes).
    • Signes : Éternuements, narines sales (morve), râles respiratoires, yeux larmoyants ou gonflés.
  • Prévention : Supprimer impérativement les courants d’air et l’humidité. Ne pas surpeupler.
  • Traitement Bio :
    • Inhalations/Fumigations : Huiles essentielles d’Eucalyptus radiata, Ravintsara ou Thym diffusées dans le pigeonnier (attention aux yeux).
    • Gouttes nasales désinfectantes naturelles (argent colloïdal).

L’Aspergillose

  • Présentation et Symptômes : Maladie fongique (champignon) qui colonise les sacs aériens et les poumons.
    • Signes : Difficulté respiratoire silencieuse (le pigeon « pompe » de l’air bec ouvert), amaigrissement lent. Pas de bruit de râle contrairement au coryza.
  • Prévention : Ne jamais donner de grains moisis ou de paille humide qui chauffe. C’est une maladie de « mauvaise conservation ».
  • Traitement Bio :
    • Très difficile à soigner une fois installée.
    • Action : Changer immédiatement toute la litière et l’alimentation. Diffuser des huiles essentielles antifongiques (Tea Tree) peut aider au tout début, mais le pronostic est sombre.

Autres pathologies à surveiller

  • Les Vers (Ascaris, Capillaria) : Amaigrissement, anémie. Traitable en bio avec de l’Ail, des graines de courge et du Vinaigre, ou des vermifuges bio spécifiques.
  • La Salmonellose (Paratyphose) : Très grave (mal des ailes, boiteries, mort). Nécessite souvent un isolement strict et une désinfection lourde, parfois un vaccin préventif.

L’Éthique avant le Dogme : Quand la Survie de la Colonie est en Jeu

Message important aux colombiculteurs amateurs :

Le « Bio » est une philosophie de respect du vivant, pas un dogme aveugle. Il existe des situations critiques (épidémies fulgurantes, souffrances aiguës) où les remèdes naturels n’ont plus la puissance de feu nécessaire.

Si vos pigeons sont en grande souffrance ou si la maladie menace de décimer l’intégralité de votre colonie, s’entêter dans le « tout naturel » devient de la négligence qui mène à la maltraitance !

  • Ne laissez jamais un animal agoniser sans aide.
  • Consultez un vétérinaire spécialisé. Si un traitement antibiotique est le seul moyen de sauver votre élevage, utilisez-le. Vous pourrez ensuite reprendre les méthodes naturelles et reconstruire la flore de vos oiseaux (probiotiques) une fois le danger écarté.
  • L’amour de vos oiseaux doit primer sur l’étiquette. Sauver sa colonie est la priorité absolue.

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