Il règne une certaine confusion dans le monde de l’élevage amateur : on pense souvent que parce que c’est « naturel », c’est sans danger. Or, l’aromathérapie est une discipline puissante, s’apparentant davantage à de la pharmacologie qu’à une simple tisane.

Pas une Simple Tisane : La Réalité chimique derrière le petit Flacon.

L’engouement pour le « naturel » a poussé de nombreux éleveurs amateurs à introduire les huiles essentielles dans leur pharmacie vétérinaire. Cependant, en aviculture, et particulièrement en permaculture où l’on cherche l’équilibre global, l’utilisation de ces concentrés ne doit pas être anodine. Si les plantes fraîches sont la « nourriture-médicament« , l’huile essentielle peut être considérée comme un véritable médicament. Son usage demande une précision chirurgicale, car la frontière entre le remède miracle et le poison mortel est, chez l’oiseau, extrêmement mince.

Qu’est-ce qu’une Huile essentielle ?

Contrairement à ce que son nom indique, ce n’est pas un corps gras (comme l’huile d’olive).
Définition : C’est un extrait liquide, concentré et complexe, obtenu par distillation à la vapeur d’eau d’une plante aromatique. Elle capture les molécules volatiles de la plante.
La concentration : Il faut parfois 100 kg de plantes pour obtenir quelques millilitres d’huile essentielle.
La puissance : Une goutte d’HE ne correspond pas à une infusion, mais à la puissance active de dizaines de tisanes concentrées en un seul point. C’est une essence chimique pure.

Une connaissance et des études limitées pour les volailles : vos poules ne sont pas des cobayes !

La majorité des études scientifiques sur les HE en aviculture concernent l’industrie (poulets de chair) et visent à remplacer les antibiotiques de croissance.
Il existe très peu de données fiables sur les dosages que pourrait employer l’éleveur amateur pour de petits effectifs variés (poules d’ornement, races anciennes)d’un élevage familial.
La poule n’est pas un mammifère. Son métabolisme hépatique (foie) et son système respiratoire sont très différents du nôtre ou de celui du chat/chien. Transposer un dosage « humain » ou « mammifère » à une poule est une erreur scientifique potentiellement fatale.

Attention ! La toxicité des huiles essentielles : Quand le « Naturel » peut devenir un Poison.

C’est le point critique. Les oiseaux sont hypersensibles.

  • Toxicité respiratoire : Le système respiratoire des oiseaux (sacs aériens) est très performant pour capter l’oxygène, mais aussi les toxines. Des odeurs trop fortes ou des diffusions inadaptées peuvent brûler leurs muqueuses ou provoquer des détresses respiratoires.
  • Hépatotoxicité (Foie) : Le foie de la poule doit filtrer ces molécules ultra-concentrées. Certaines HE (riches en phénols comme l’origan ou la cannelle) sont « hépatotoxiques » à haute dose : elles peuvent détruire les cellules du foie.
  • Neurotoxicité : Certaines cétones (sauge, menthe poivrée à haute dose) peuvent attaquer le système nerveux (convulsions).
  • Causticité : purs, la plupart des HE brûlent la peau et les muqueuses. Ne jamais mettre d’HE pure sur une plaie, près des yeux ou du bec.

Réglementation et restrictions pour l’éleveur amateur

Même si l’éleveur amateur ne vend pas ses œufs, des règles de bon sens et de sécurité sanitaire s’appliquent.
En agriculture biologique certifiée, l’usage des HE est réglementé et souvent soumis à prescription vétérinaire ou à des listes positives strictes.
Les résidus (LMR) : Les molécules aromatiques passent dans le sang, puis dans les œufs et la chair. Il existe un risque réel de consommer des œufs « aromatisés » ou contenant des résidus actifs si le délai d’attente après traitement n’est pas respecté (souvent inexistant ou mal connu pour les amateurs).
Juridiquement, le diagnostic et le traitement appartiennent au vétérinaire. L’amateur reste responsable de la santé de ses animaux et de la salubrité de ses œufs familiaux.

La première restriction : l’autodiscipline de l’éleveur

Devant la complexité (quel chémotype choisir ? quel dosage au milligramme près ? quel support de dilution ?), la meilleure restriction est celle que l’éleveur s’impose à lui-même.
En permaculture, on observe avant d’agir. Utiliser une « bombe » comme une HE pour un petit problème est disproportionné.
Le risque d’erreur : Une goutte de trop dans l’abreuvoir peut détourner les poules de la boisson (à cause de l’odeur forte), provoquant une déshydratation pire que le mal initial.
Le risque de tuer une poule fragile par surdosage est souvent supérieur au bénéfice espéré d’un traitement mal maîtrisé.

Lâchez les Flacons, Revenez aux Jardins : Plaidoyer pour une Phytothérapie Douce.

Le « Totum » de la plante (Phytothérapie) suffit-il ? Oui, dans 95% des cas en préventif.
La nature est bien faite : dans la plante entière (le Totum), les principes actifs sont équilibrés par d’autres molécules qui en tamponnent les effets agressifs.
Exemple de l’Origan : L’HE d’origan est dermocaustique et peut abîmer le foie. La plante fraîche d’origan, elle, est un excellent antiseptique que la poule consomme sans risque de brûlure.
En permaculture et au poulailler bio le but est de renforcer le terrain (immunité) sur le long terme. L’infusion d’ail, le vinaigre, les herbes fraîches sont parfaits pour cela. L’huile essentielle est un traitement de choc, qui devrait être réservé aux cas graves et encadré par un professionnel.

Conclusion

L’huile essentielle est au jardinier-éleveur ce que le lance-flammes est au désherbage : efficace mais radical et dangereux si mal manié. Dans un poulailler bio en permaculture, la priorité doit rester la prophylaxie (prévention) par l’hygiène, l’alimentation et la phytothérapie douce (plantes fraîches ou sèches). Laisser les flacons d’huiles essentielles aux mains expertes des vétérinaires spécialisés est souvent la meilleure façon de protéger la vie de ses poules.

 

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